De la biophilie à la conservation : de l’importance de la nature
On nous demande souvent ce qu’il en est de l’accès au Ruisseau 53 et de la possibilité de s’y promener et de profiter de la splendeur des terres. L’important, concernant le Ruisseau 53, c’est de conserver à perpétuité ses écosystèmes naturels pour les générations à venir. Nous sommes uniquement au service de la nature. Les humains en font certes partie et y sont liés mais, dans le cas du Ruisseau 53, la flore et la faune ont la préséance. Si nous voulons sauvegarder son territoire, il est essentiel de réduire au minimum et en tout temps les occasions de l’abîmer. C’est pour cela que ces terres protégées ne sont pas une aire de loisirs et que l’accès du public y est restreint. Cet accès restreint permet de garantir qu’elle demeure une région naturelle soumise à sa propre évolution et à ses fluctuations, sans influence humaine indue.
De nombreuses personnes sont attirées par la nature, parfois de façon inattendue. Ce peut être la vue de pigeons plongeant entre les gratte-ciels d’une ville animée, l’envol d’un faucon aperçu à travers la fenêtre d’un train de banlieue, ou encore les paysages inspirés de la nature d’un jeu vidéo. Il n’est pas indispensable de se promener dans une forêt ancienne ou de partir à l’aventure en canot pour être en contact avec elle. Le contact avec la nature prend plusieurs formes.
Les humains sont intimement liés à la nature et à l’ensemble des espèces avec lesquelles ils partagent la planète. Tout au long de notre histoire évolutive nous avons été façonnés par la nature. Nous dépendons d’elle en ce qui concerne la santé de la planète. Que ce soit pour la pollinisation de nos plantes alimentaires, pour la propreté de l’eau, ou pour le contrôle de l’érosion naturelle. Les ‘services écosystémiques’ naturels aident toutes les espèces, y compris l’espèce humaine.
Le terme biophilie désigne notre lien avec la nature. Il se définit simplement comme un amour pour la vie ou les choses vivantes.
Cela ne signifie pas que tout le monde aime la nature – certaines personnes préfèrent un monde coupé de la nature (particulièrement durant la saison des moustiques !) – mais au niveau de l’espèce (Homo sapiens) nous ne pouvons pas nous dissocier totalement de la nature. Nous sommes des créatures biologiques liées aux autres espèces. Nous avons, profondément et fondamentalement, un amour immuable pour la nature et tout ce qui vit.
Même si vous ne pensez pas qu’un jeu vidéo puisse favoriser le contact avec la nature, les diverses façons dont la biophilie s’exprime n’en doivent pas moins être acceptées, célébrées et facilitées. La raison en est simple : toute forme de contact avec la nature contribue au développement des conditions préalables à sa conservation. En d’autres mots, pour soutenir les efforts de conservation de terres sauvages il faut commencer par reconnaître l’importance de la nature et du bénéfice net qu’elle apporte à nos vies. Si observer et apprécier la nature en regardant une vidéo TikTok sur les oiseaux conduit à une prise de conscience accrue de la faune, c’est une victoire.
Une autre raison de célébrer les diverses façons d’entrer en contact avec la nature tient à ce que les espaces naturels ne peuvent ou ne devraient pas tous être accessibles. L’accès limité à des terres sauvages est nécessaire dans certains cas, en raison de la propension humaine à nuire aux écosystèmes. Nous introduisons des espèces envahissantes ou exotiques, nous coupons des arbres qu’il faudrait laisser sur pied, nous parcourons en tous sens des zones vulnérables, nous modifions des cours d’eau, nous jetons des déchets et nous construisons là où il ne le faudrait pas. Cela ne veut pas dire que les humains devraient être exclus de toutes les terres sauvages à conserver, cela veut dire qu’un accès limité à certaines d’entre elles est parfois nécessaire. En revanche, ces régions peuvent être appréciées grâce à des photos, des articles ou d’autres moyens.
Nous souhaitons que vous rejoigniez la communauté du Ruisseau 53 même si vous ne pouvez pas y accéder quand vous le voulez. Ou plutôt, nous souhaitons que vous souteniez, connaissiez et célébriez le Ruisseau 53 en partie parce que son accès n’est pas total et que c’est un endroit où la nature se développe toute seule.
La santé de notre planète dépend de la mise en œuvre d’approches de conservation dans une optique large. Cela comprend nécessairement de protéger certaines terres et d’en limiter l’accès et, en même temps, de créer et d’entretenir des aires de loisirs, des parcs, des pistes cyclables, des aires de promenade pour les chiens, des bancs dans les parcs et des rues bordées d’arbres. Il n’existe pas d’approche « unique » de la conservation.
Offrir aux gens le plus grand nombre possible d’occasions de devenir amoureux de la nature favorise une meilleure compréhension de la nécessité d’avoir des terres sauvages et de ne jamais y aller. Nous pouvons apprécier le Parc national Quttinirpaaq même si nous ne le visiterons jamais. Nous pouvons aimer le Ruisseau 53 même si l’accès en est limité. Nous pouvons imaginer un avenir meilleur précisément parce que ces endroits existent.
En fermant les yeux, nous pouvons imaginer un grand héron s’élevant d’un milieu humide, inaperçu des humains. Nous pouvons imaginer un chœur enchanteur de rainettes même si nous vivons dans un condominium en centre-ville. Nous pouvons imaginer la chute spectaculaire d’un vieux pin finalement vaincu par une tempête.
Ces rêveries ne sont pas des fantasmes ; ce sont des réalités parce que des endroits tels que le Ruisseau 53 existent.
C’est de cette façon que la biophilie mène à la conservation.
Chris Buddle, avril 2024
Professeur et fiduciaire de la Fiducie de conservation du ruisseau 53