Hurry, hurry

Vite, vite...

« La lumière qui brille deux fois plus vivement, brille deux fois moins longtemps… Profitez de votre temps. » Dr Eldon Tyrell 

Elle est stimulée lorsque fondent les neiges de mars et que luit un pâle soleil d’avril. Mais elle est difficile et précise quant à son manteau boisé. Il lui faut un épais tapis de feuilles mortes, de la terre noire en dessous, et un tronc d’érable à sucre ou de chêne rouge où se blottir. 

Beauté printanière est l’un de ses noms, et qui oserait le lui contester ? Elle s’appelle aussi claytonie de Virginie (Claytonia virginica) ou claytonie feuille-étroite. Elle, hum, oui elle doit être féminine même si, à strictement parler, elle est hermaphrodite. Elle est éphémère, fugace, passagère, évanescente ; elle n’abuse jamais de l’hospitalité, telle une brise printanière la voilà partie. 

L’heure du réveil a sonné. La chaleur l’atteint alors qu’elle somnole à l’abri de sa corme. Les vrilles de ses racines ont commencé à s’abreuver et s’alimenter pour sustenter deux lances vertes dégainées. Elles se fraient un chemin à travers la terre et l’humus de l’automne dernier. Dur labeur. Je souhaiterais chaque fois pouvoir faire un ralenti sonore afin d’entendre le remuement des grains de terre et le bruissement des feuilles de chêne. 

Qu’importe. Finalement sa tige se balance dans le vent et sa fleur déploie sa coiffe de couleur canne de bonbon. Imposante couronne de la grosseur d’un ongle ! 

Seule, elle pourrait passer inaperçue, mais elle aime vivre en colonies dont les vastes étendues dans la mi-ombre printanière d’un boisé nous disent tout simplement : « Bonjour, nous revoici et tout va être de nouveau plus facile maintenant. » 

Elles ne s’admireront pas longtemps. La course contre le temps a commencé... le feuillage pousse rapidement au-dessus d’elles et la mi-ombre fait place à l’ombre. Semez vos graines, nourrissez les insectes du début du printemps, préparez la corme de l’an prochain… les journées ensoleillées se font plus rares et erratiques. 

Elles y parviennent, non sans frénésie, et lorsque arrive la Lune des fleurs le cycle est achevé. Laissez tomber vos pétales et s’affaisser vos feuilles, éteignez les lumières et dormez. 

Voir disparaître avril m’attriste toujours. 

Brian Grubert
Fiduciaire

Photo de Brian Grubert

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